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VIII

LE RÔLE DE L’ÉTAT.


On le comprend en Hongrie comme nous voudrions qu’il fût compris dans la province de Québec.


Pour que le courant industriel d’un pays soit vraiment permanent dans ses effets, il ne faut pas qu’il soit spasmodique et irrégulier. Le torrent des montagnes dans son cours déréglé, dévaste souvent plus qu’il ne fertilise. La science industrielle, pour être efficace, doit être un fleuve au cours puissant mais tranquille et sans cesse grandissant, nourri de tributaires innombrables, mais prenant sa source au cœur même de la nation, c’est-à-dire, dans le gouvernement. Que le défricheur et le colon continuent de s’avancer plus avant dans la forêt, mais que ceux qui les suivent trouvent un pays préparé par la science industrielle. L’État seul est assez puissant pour produire les grands résultats de l’industrie organisée, témoin l’industrie laitière organisée et protégée par le gouvernement de Québec. Partout d’ailleurs de nos jours l’État est instamment sollicité d’accorder aide et protection aux industries indigènes, dit le « Moniteur des intérêts matériels » de Bruxelles, l’une des plus grandes publications financières du monde. Cette revue cite l’exemple de la Hongrie, dont la situation offre beaucoup d’analogie avec celle de la province de Québec. La Hongrie, en effet, est un pays presque exclusivement agricole. Au dernier recensement, 76.83 p.c., de sa population vivaient d’agriculture, tandis que la classe industrielle proprement dite, ne comprenait que 5.26 p.c. Mais voici que les Hongrois s’éveillent. Ils comprennent la nécessité d’implanter l’industrie dans leur pays. Nous allons voir qu’ils adoptent précisément le système que nous croyons applicable à la province de Québec.

« Depuis longtemps, dit le « Moniteur », les gouvernements hongrois se sont occupés du peu d’expansion de la production nationale, qui dépendait presque exclusivement de l’agriculture. Ils ont inscrit dans leur programme l’engagement d’encourager les industries du pays, d’en provoquer la multiplication et le développement. Ils ont tenu parole. Mais soit qu’ils fussent liés par la convention douanière conclue avec l’Autriche, soit qu’ils eussent la saine conception des principes économiques, ils n’ont pas eu recours aux tarifs protecteurs qui écartent la concurrence et dispensent les industries existantes de tout effort pour la recherche du progrès. Ils ont adopté le système d’aide temporaire sous forme de subside, d’enseignement et d’exemption d’impôt. Ils se contentent de donner l’impulsion aux initiatives, sans les couvrir d’une protection qui serait de nature à leur enlever toute énergie et à les endormir dans une quiétude dangereuse. »