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Robert Lozé

Les voisins avaient eu connaissance de l’action de la pieuse dame. Comme elle, ils étaient intéressés au succès de sa démarche. Ils vinrent s’agenouiller en grand nombre à ses côtés et firent la même prière : Bonne sainte Anne, sauvez nous de l’inondation et en reconnaissance de ce bienfait nous vous érigerons une chapelle !

Cependant, le flot montait, montait toujours. Glaçons et troncs d’arbres passaient à quelques pas de la statue, enlevant des mottes de terre et des buissons. La foule silencieuse et inquiète attendait néanmoins avec foi le miracle sollicité. Sainte Anne ne trompa point leur attente. L’eau n’atteignit pas les pieds de la statue. Elle s’arrêta à quelques pouces, et soudain se mit à baisser. Le danger était passé, le miracle accompli.

Alors, ces bonnes gens, transportés de reconnaissance, entonnèrent l’Ave maris stella. Dès le lendemain, l’on se mit à l’œuvre et à l’automne la chapelle était bâtie.

Ce n’était pas un grand monument d’architecture. Les moellons dont se composaient les murs furent retirés de la rivière domptée comme autant de trophées de victoire, et placés tels quels dans un bain de mortier. La courbe gracieuse du toit fut surmontée d’un clocheton de ferblanc que le temps et les orages convertirent bientôt en or. Dans la façade, au-dessus de la porte cintrée, l’on avait ménagé une niche où fut placée la statue miraculeuse.

Bientôt la chapelle devint un sanctuaire que chacun se plût à embellir. Personne ne passait sans y laisser une prière ou une offrande. Les habitants des environs y accouraient les jours de fête. À de certaines époques on organisait des pèlerinages. Alors la foule était telle que les derniers arrivés s’agenouillaient dans la poussière du chemin, ne voyant pas l’officiant, mais seulement la vieille statue dans son auréole de cierges. Les malades et les infirmes couvrirent ses murs de béquilles et d’ex-votos.