Page:Bouchor - Les Poëmes de l’amour et de la mer, 1876.djvu/325

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Il ne se doutait pas que tant de solitude
Épuiserait sa vie et le dessécherait,
Et le rendrait pareil aux arbres noirs et rudes
Quand la dent de l’hiver a mordu la forêt.

Il ne comprenait pas que l’âme tout entière
S’absorbe au sein profond des choses, que les cieux
Emplissent nos regards d’une telle lumière
Que rien n’existe plus devant nos faibles yeux.

Et lorsque, fatigué d’errer comme un fantôme
Sur l’eau silencieuse et sur les monts déserts,
Les yeux en vain tournés vers l’immuable dôme
Les bras en vain tendus dans le vide des airs,

J’ai voulu reposer mon front sur la poitrine
D’un être qui m’aimât et qui pût me parler,
Je n’ai vu devant moi qu’une splendeur divine,
Qu’un sourire infini qui ne peut consoler.