Page:Bouchor - Les Poëmes de l’amour et de la mer, 1876.djvu/327

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Mais la ville m’était déserte !
Les femmes passaient et riaient,
Et du fond de leur tombe ouverte
Mes vieux souvenirs s’écriaient :

« Laisse la jeunesse enivrée
Saluer la gloire du jour,
Toute ta joie est enterrée
Sous les débris du vieil amour. »

Quelle tristesse et quel silence !
J’ai dépensé tout mon matin
À remuer sans espérance
Les cendres d’un amour éteint.

Et pourtant, dois-je le maudire ?
Pourquoi l’ai-je tant blasphémé,
Si je vois quelquefois sourire
Le fantôme du temps aimé ?

Ce n’est pour moi qu’un rêve étrange
Qui traverse mes sombres nuits,
Mais le rayonnement d’un ange
A laissé mes yeux éblouis,