Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/132

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Mais, de nouveau, voici que le doute me ronge.
Une autre voix me parle en songe,
Une voix dure et forte, et je l’entends crier :
« Ame faible, pourquoi te mentir à toi-même ?
Prêter à Dieu le cœur d’un homme est un blasphème.
Quelle douleur pourrait troubler la paix suprême ?
Toi, tu fais du Seigneur un mauvais ouvrier
Qui se châtie afin de réparer ses fautes.
Lorsque tu l’enrichis des vertus les plus hautes,
Tu ne fais qu’avilir la majesté de Dieu.
Non, il ne ressent point votre angoisse profonde.
N’attends pas que sa plainte à vos plaintes réponde ;
Il ne saurait pas plus s’incarner dans le monde
Qu’en un point du temps ou du lieu. »

J’ai vu s’évanouir, à cette voix plus mâle,
Celui qui m’apparut si sanglant et si pâle.
Ah ! je vois clair en moi. Tandis qu’avec effort
Nous luttons pour le bien, Dieu, plus haut que la mort,
Le doute, le péché, l’angoisse, au sein des anges
Durant l’éternité s’enivre de louanges ;
Et moi, pour que son nom fût mille fois béni,
J’ai voulu le parer d’un mérite infini.