Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/207

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Mais Jésus a-t-il cru à la fin prochaine du monde, suivie de sa réapparition sur les nuées ? Les évangélistes l’affirment. D’autre part, certaines paraboles, comme celle du grain de sénevé, permettraient une induction très différente. plus conforme à l’idée que l’on peut se faire du Christ, si étonnamment supérieur à tous ceux qui l’entouraient, et le plus souvent si mal compris par eux. Il semble avoir eu, du moins à certaines heures, une prévision très juste de la lenteur avec laquelle sa doctrine se développerait à travers les siècles.

La question, comme on le voit, est difficile, et je ne prétends pas la résoudre. Mais, tout en avouant que le précepte : « Ne résistez pas au méchant, » pris à la lettre, me semble impraticable, j’affirme que nous pouvons et que nous devons, sans renoncer pour cela à organiser la société selon la justice, nous pénétrer aussi profondément que possible de cet esprit d’amour qui est l’âme de l’Évangile.

Les philosophes, les juristes, les hommes d’action qui, sur un fond d’étroites mais solides croyances, ont élevé la noble Cité antique auraient-ils jamais dit avec assez de force et de douceur : « Aimez-vous les uns les autres » ? Peut-être fallait-il oublier le Droit pour apercevoir, dans toute sa profondeur, le grand Devoir créé par la fraternité humaine et pour formuler le principc de l’amour une fois pour toutes et sans restriction. L’œuvre de Jésus accomplie, c’est à nous d’accorder ensemble la Justice et l’Amour. Nous ne devons pas nous laisser prendre au piège de la simplicité, et, pour avoir l’esprit en repos, nous murer dans une formule magique. telle que : « Ne résistez pas au méchant. » Ni celle-ci ni