Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/254

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Je suis le lac sans fond des mystiques ténèbres,
Le silence formé de murmures funèbres,
L’or enfoui qui rêve au jour noble et serein,
L’inexprimable angoisse et le désir sans frein !
Je suis l’Être, et j’ai soif de la vie éternelle.
Mon âpre volonté sent bouillonner en elle
Un monde fait d’amour, d’extase, de clarté.
Par de vertigineux tourbillons emporté,
Je cherche le repos dans une île paisible.
Je voudrais m’enivrer de ma splendeur visible.
Cruellement épars dans l’abîme anxieux,
Il faut, pour enfermer en moi les vastes cieux,
Que j’épuise ma force et que je fasse naître
Un cœur mystérieux au centre de mon être.
Solitaire, j’aspire aux tendresses d’un Fils
Qui soit la chaste rose et le merveilleux lis,
L’ineffable douceur, l’agneau pur et sans tache,
L’éclat manifesté de Celui qui se cache,
Le Verbe rayonnant, la splendide Raison !
Et je brise les murs de ma froide prison ;
L’opiniâtre effort triomphe du silence ;
De mon sein ténébreux la Parole s’élance ;