Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/36

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Enveloppa d’un long regard la foule immense ;
Et, louant le Seigneur, dont la haute clémence
Avait multiplié sa race à l’infini,
Il se sentit absous par ses fils et béni.
Pourtant, comme il songeait, dans le fond de son être,
Aux malheurs que sa faute unique avait fait naître,
Il se prit à pleurer abondamment sur nous.
Tous l’entouraient. Plusieurs lui dirent à genoux :
« Ne pleure pas ! le juste a le Ciel en partage… »
Et comme, pour ne point affliger davantage
Celui qui gémissait sur toutes nos douleurs,
Nous détournions les yeux de son visage en pleurs,
Nous vîmes à sa droite Eve, mère des hommes,
Qui tous nous enfanta, tous, pécheurs que nous sommes.
Mais, sans apercevoir ses innombrables fils,
Sur son cœur, son vrai cœur maternel de jadis.
Elle étreignait Abel. Ah ! quelle joie amère !
Pâles, nous regardions. Les cheveux de la mère
Enveloppaient l’enfant tout entier dans leurs flots,
Et nous n’entendions plus que le bruit des sanglots…
Alors, en se penchant vers elle avec tendresse,
Comme s’il partageait une lente caresse