Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/140

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Ce 29. — Il n’arrive point, le Gustave si désiré ; il n’est cependant pas retenu par les glaces, comme son patron l’a été quelquefois dans la mer Baltique. Mais il y a longtemps que je sais et que je dis que la vie est une horloge dont toutes les heures retardent, excepté la dernière. Nous n’y changerons rien, mais nous adoucirons tout par la patience. C’est aussi ce que dit ton ami Horace, que je me réjouis de relire avec toi, ainsi que Virgile, ainsi qu’Ovide, ainsi que tous ces anciens amis avec lesquels nous avons passé de si bons moments. Nous profitions de leur conversation, mais aussi ils nous permettaient quelques distractions et ne se formalisaient point d’être de temps en temps mis à l’écart pour traiter de petites affaires secrètes, dont ils ont été plus d’une fois témoins et dont ils n’ont jamais parlé à personne.


Ce 30. — Point de Gustave-Adolphe ; cependant il porte une dame et une demoiselle, que je suppose bien empressées de me voir, car elles n’ont point descendu au Sénégal et elles sont restées au mouillage en dehors de la barre, battues de tous les vents et de tous les flots. Il n’en faut pas moins pour faire désirer de relâcher ici, mais au moins elles y trouveront de la terre, des maisons, des hommes, tout cela a son prix quand on en est privé depuis longtemps. Au bout d’un mois de navigation, toute terre est une patrie, toute maison un palais, tout homme un ami, car on est ennuyé de ceux du vaisseau comme de livres mille fois relus, qui n’ont plus à vous dire que ce que vous savez déjà depuis longtemps. Voilà ce qui n’arrivera pas si nous nous embarquons ensemble, parce que je sentirai toujours quelque chose de nouveau pour toi et que tu m’as toujours paru et