Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que tu me paraîtras toujours nouvelle. Mais je me trouve bien galant ; à quoi cela tient-il ? Est-ce à des causes morales ou à des causes physiques ? Je laisse cela à la décision de ma jolie femme.


Ce 31. — Je commence à désespérer de ce maudit Gustave : il a fait des temps affreux dont il peut avoir été tourmenté en mer et rejeté bien loin de mon imperceptible colonie. Il faut cependant toujours espérer, c’est le délice de l’incertitude et la consolation de la vie ; ceux qui s’attendent à tout le mal possible, comme ce sot sage de la Grèce, ont tout le mal possible en attendant un peu de bien, et dans la disposition contraire on aurait tout le bien possible en attendant un peu de mal, car il n’en arrive jamais autant qu’on en peut craindre. Laissons cela et occupons-nous de mes préparatifs pour mon grand festin d’après-demain. Je ne sais pas comment je me tirerai d’ici quand il faudra payer ; par bonheur que c’est moi qui suis à la tête des recors et qu’ils ne marchent ici que par mon ordre. J’en serai quitte pour me mettre en pension chez toi à Paris et te laisser ma personne en paiement. C’est une pauvre monnaie, mais je parie encore que tu seras assez bonne pour t’en contenter.


Ce 1er septembre. — J’ai des embarras par-dessus les yeux : mes gens sont malades et je me vois forcé à les contenir au lieu de les presser. Par bonheur que tout le monde vient à mon aide avec une amitié charmante ; en sorte que j’espère que ma fête de demain ira aussi bien que celle d’il y a huit jours. Que n’es-tu ici ? que ne suis-je où tu es ? pourquoi avons-nous un ennui, une peine, un plaisir, une idée, un lit qui ne soit pas en commun ?