Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce 2. — Le Gustave est arrivé sans lettres de toi. En vérité, mon enfant, je ne vois pas ce qui a pu t’empêcher de m’écrire. Je conçois les embarras que ta noce a pu te donner, mais je sais que ton esprit fournit à tout et que ton amour tant qu’il a duré n’a jamais rien trouvé d’impossible. Je ne peux point me persuader que tout soit fini, nous nous aimions trop pour cela et depuis trop longtemps ; est-ce un caprice, est-ce une humeur conçue à mille lieues ? Tu es assez folle pour cela, mais j’en chercherais le prétexte pendant mille ans sans rien trouver. Pense au moins, mon enfant, que voilà un tort comme jamais tu n’as pu en reprocher à ma légèreté et repens-toi en pensant qu’en voilà peut-être pour trois ou quatre mois de plus sans que j’aie de tes nouvelles. Adieu, je t’embrasse, mais sans te pardonner. Je vais expédier un vaisseau pour la France, il te portera mes lettres jusqu’à ce moment-ci ; je suis indécis si j’en écrirai davantage, mais, que j’écrive ou non, le reste ne partira qu’après que j’aurai reçu de tes nouvelles. Adieu.


Ce 3. — Je repousse loin de moi un vilain démon, qui me répète toujours que sûrement tu ne m’aimes plus, que tu savais mieux que personne les occasions qui se présentaient pour l’Afrique et que c’est volontairement que tu n’en as point profité. Mais ce démon qui me dit des choses si probables est peut-être le même qui t’en dit de si fausses et quoiqu’il me donne le conseil de ne plus t’écrire, au moins jusqu’à ce que j’aie de tes nouvelles, je ne l’écouterai point et je ferai toujours comme si tu m’aimais, à l’exemple du roi d’Espagne, qui ne veut point nommer au régiment des gardes Wallonnes, parce qu’il ne