Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/38

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qu’il fallait à chaque pas un nouvel acte de ma volonté, qui disait à mon corps comme beaucoup de maîtres à leurs valets : « Je vois bien que tu souffres, mais je veux que tu ailles ». S’il était question d’aller à toi, le maître n’aurait pas besoin d’employer toute son autorité, car le valet t’aime tant et tant qu’il volerait à toi et qu’il oublierait son poids, ses années et ses maux.


Ce 21. — Je suis mieux, ma chère femme, et si j’en crois des pressentiments qui m’ont rarement trompé, nous nous verrons à la fin de cette année et tu me trouveras toujours le même, car je me sens une sorte d’énergie morale et physique qui doit triompher de toutes les contradictions et de tous les climats. Il ne me manque plus que d’avoir des nouvelles de mon pauvre petit Villeneuve, dont je suis vraiment inquiet, pour jouir du degré de contentement que les âmes des justes pouvaient avoir dans les Limbes. Tu sais trop bien ta religion pour ignorer que c’était le lieu où ils attendaient la permission d’aller en Paradis.


Ce 22. — Enfin voici un courrier du Sénégal qui n’a point été attaqué en chemin et qui a rencontré mon pauvre Villeneuve à une journée et demie de l’île Saint-Louis et bien loin de tous les passages suspects. Il paraît que mon apparition en présence du fort a fait une grande sensation et que la continuation de ma route pour Gorée a fort étonné, car on n’y sait encore rien de positif sur les nouveaux arrangements. Tout cela s’éclaircira pour eux à la longue, comme tant d’autres choses qui sont venues auparavant et tant d’autres qui viendront après. De-