Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/50

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comment elles le diraient. Tu as dans ton style la manière de la Rosalba, que toi seule as pu saisir. Adieu. Je t’aime plus que tu ne crois.


Ce 10. — Je passe ici une petite vie assez triste, occupé de sottes affaires du matin jusqu’au soir et forcé de gronder tout le monde du peu d’ordre que je vois partout, tandis que je suis bien sûr d’en avoir moins que personne. Je suis comme M. de Poyanne, qui tourmentait ses carabiniers pour l’équitation et qui tombait de cheval à tous les exercices. Mais c’est une première punition de ses propres défauts que d’être obligé de les punir dans les autres. Je suis tous les jours plus émerveillé de mon petit Villeneuve. Je lui achète en ce moment des chevaux et des chameaux pour sa grande entreprise. Si jamais quelqu’un a été marqué pour de grandes choses, c’est lui, car il réunit tout ce que le physique, le moral, la jeunesse et l’âge mûr peuvent offrir de plus désirable. Quand je vois des gens comme cela, il me prend des hontes de moi qui me feraient m’aller cacher jusque dans ton lit.


Ce 11. — La barre n’a point encore été passée. Ainsi j’attendrais encore en pleine mer et peut-être pour longtemps encore, si je n’avais point transporté mon domicile à Gorée. Ce ne serait encore rien que d’attendre pour venir ici, mais attendre pour en partir serait un état intermédiaire entre l’enfer et le purgatoire. Au moins j’en suis exempt et j’espère à la fin de l’année ou du moins au commencement de l’autre t’en dire des nouvelles. Adieu.


Ce 12. — Imagine, ma bonne femme, que ton bon