Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/87

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poitrine remplie, et le diable a voulu qu’on n’apportât point mes poudres de James. Il a pensé nous arriver un autre malheur : un vaisseau que nous avons rencontré est venu pour nous parler et s’y est si mal pris qu’il a pensé nous aborder et nous couper en deux. Tout le monde frémissait, mais moi qui sais que tu dois porter mon deuil, je sentais que de manière ou d’autre je n’y resterais pas.


Ce 30. — Le vent est meilleur, mon cuisinier n’est pas mort, il y a quelque espérance que la navigation sera moins malheureuse qu’elle n’est triste. Nous sommes à cinquante lieues, nous pouvons arriver demain, mais nous l’avons pu si souvent et puis après nous ne l’avons pas pu, que j’ai peu de confiance. Adieu.


Ce 1er mai. — Tu vois, mon enfant, que j’ai bien fait des recherches pour retrouver ces feuilles égarées ; mais, hélas, je n’ai que des chagrins et des peines à leur confier. Ce pauvre homme vient de mourir tout à l’heure, sans que j’aie pu lui rien donner pour contrebalancer les bêtises dont il est la victime. Imagine que pour une fièvre putride on a commencé par le saigner trois fois au lieu de le purger une seule, et que peut-être par le traitement contraire sa maladie n’aurait été qu’une légère indisposition. Je te recommande d’abhorrer les médecins autant que tu m’aimes.


Ce 2. — Nous allons être à Gorée, ma bonne femme, je me dépêche de te le mander et de t’embrasser, car je vais être si importuné et si tracassé, que je n’aurai sûrement pas un autre moment à te donner dans la