Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
167
LE DROIT

classiques, le droit hindou. Dans quelle mesure le régime des castes rend-il compte de ces caractères ?

Lorsqu’il fixe avec tant de minutie, en le faisant varier proportionnellement à leur rang, le nombre de coups que doivent recevoir ou de panas que doivent payer des criminels, le droit ne fait que traduire directement, à sa façon, la tendance caractéristique de la société hindoue. La plupart des droits primitifs, en fixant les taux des compositions, établissent des échelles du même genre 347. On en retrouve chez les Grecs aussi bien que chez les Germains. Dans la loi de Gortyne par exemple, le tarif de l’amende prononcée en cas d’adultère varie de 5 à 200 statères ; ces variations sont déterminées non pas seulement par les circonstances particulières de l’offense, mais par la situation sociale de l’offenseur et celle de l’offensé : le citoyen pleinement libre se trouve valoir, à ce compte, dix fois l’homme de condition inférieure et quarante fois l’esclave 348. Mais nulle part les distinctions de cette nature n’ont été conservées si longtemps, nulle part elles n’ont été précisées si fortement que dans le droit hindou.

Et sans doute son insistance même éveille une défiance des démarcations si fermement dessinées, des gradations si savamment dosées sont d’ordinaire le signe d’une volonté tendue, mais non peut-être d’une réalité docile. Dans quelle mesure ces catégories légales correspondaient-elles à des catégories réelles ? Les pénétrantes observations de M. Senart ont averti les philologues de ne plus se fier aux trompe-l’œil de la tradition brahmanique. Le code de Manou ne fait de différence, qu’il s’agisse de la définition

I . Westermarck (The origin and development of the moral ideas. Londres, Macmillan, 1906, p. A34) en réunit de nombreux exemples.

3. V. Glotz, La solidarité de la Famille dans le droit criminel en Grïce, Paris, Fontemoinç, 1906, p. 383 sqcj.