Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

blier : combien d’erreurs théoriques ou même de fautes pratiques n’a-t-on pas commises en assimilant, au mépris de cette distinction, une politique de nation à une politique de cité, et, par exemple, en cherchant pour la France des modèles dans les républiques antiques ? La quantité des individus en présence, en augmentant la quantité de leurs combinaisons possibles, multiplie la complexité des rapports sociaux. La question de nombre est donc essentielle.

De même la question de temps. En matière de rapports sociaux, il n’est pas juste de dire que le temps ne fait rien à l’affaire. On comprend qu’une société nouée pour une heure autour d’une table d’hôte ne puisse guère tendre entre ses membres que des liens ténus et fragiles. Opposons à cette société d’un jour une société durable : elle survit aux individus qui naissent, vivent et meurent en quelque sorte entre ses bras ; elle fait coexister, suivant le mot cent fois cité d’Auguste Comte, les morts avec les vivants ; elle se crée des organes et adapte à ses besoins jusqu’au monde extérieur ; les liens qu’elle impose sont presque infrangibles, parce qu’elle a eu les siècles pour les tisser.

De même, quelle importance n’a pas la similitude ou la diversité des unités qu’une société englobe ! On comprend que les rapports sociaux pourront prendre des formes très différentes, suivant que les individus en rapport seront de mêmes races, de mêmes nations, de mêmes métiers, ou au contraire, de métiers différents, de nations hostiles, de races irréductibles.

De même encore, les individus appartiennent-ils tout entiers à la société, comme on appartenait à certaines corporations du moyen âge, ou ne lui appartiennent-ils