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L’HISTOIRE ET LA SCIENCE SOCIALE

réalités qu’elles expriment soient, en effet, « solidaires », dépendent les unes des autres comme les membres d’un même corps, forment un tout harmonieux, un système. C’est cette notion qui nous permet de distinguer entre ce qui est dû aux causes « constitutionnelles » et ce qui est dû aux causes « adventices » ; et de comprendre finalement que s’il y a, s’il doit y avoir, — fussent-elles prévues, — des rencontres accidentelles dans l’univers, c’est que nous ne pouvons sans invraisemblance « embrasser dans un seul système les lois et les phénomènes de la nature entière[1] ».

Par où l’on voit qu’un hasard n’est pas cette absurdité que serait un fait sans cause[2] ; il suppose au contraire le concours de plusieurs causes. Mais on peut dire que c’est un fait sans loi ; car aucune loi n’explique ce concours même. C’est un « pur fait[3] », c’est une « donnée ». Et ainsi, pour nier l’existence du hasard, il faudrait une philosophie assez orgueilleuse, assez confiante dans les puissances déductives de la raison pour contester que la raison même ait à s’incliner devant un certain nombre de faits donnés.

Insister ainsi sur le prix des « faits », n’est-ce pas en effet venir au secours de ceux des historiens qui voient, dans les entreprises de la sociologie, on ne sait quel retour offensif de la vieille ambition métaphysique ?

Mais seraient-ils perlés à conclure que là où règne

  1. Essai. II, 184.
  2. Considérations, I, 4.
  3. Traité, I, 94.