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L’HISTOIRE ET LA SCIENCE SOCIALE

les explications qu’elles poursuivent les ramènent devant certaines dispositions initiales ou certaines rencontres ultérieures « dont nous n’admettons pas la nécessité en vertu d’une loi[1] ».

Est-ce à dire que la raison n’a rien à attendre de leur effort et qu’elles restent incapables d’aboutir à quelque conclusion proprement scientifique ? N’est-ce pas, observe Cournot, se faire de la connaissance scientifique une idée trop étroite que d’interpréter la formule classique : « il n’y a de science que du général », comme s’il n’y avait de science que de l’éternel et de l’universel[2] ? Il peut se rencontrer des lois — qu’il vaut la peine de dégager — qui soient « fonctions du temps ». Le devenir n’exclut pas l’ordre. Au sein même des variations quelque chose de constant et de commun se discerne. Des généralités enfin, fussent-elles toutes relatives et conditionnelles, permettent à la raison de se reconnaître dans la multiplicité des faits coïncidents.

C’est ainsi, — pour mettre les choses au pire, — que la perspective de discerner des lois véritables fût-elle fermée aux sciences cosmologiques, celles-ci auraient encore à relever « l’allure générale » des faits, à les classer, à les ordonner les uns par rapport aux autres selon leur importance respective. Le géographe schématise, par-dessus les accidents de détail, les lignes maîtresses d’un système orographique. Le botaniste, le zoologiste délimitent l’aire et suivent les migrations des espèces végétales ou animales. Le météorologiste enre-

  1. Matérialisme, 67.
  2. Essai, II, 188.