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Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/246

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conçu d’austères vérités dont la conquête nous purifie à l’égal d’un traité d’éthique, il est impossible de prétendre que ces sages penseurs soient dignes d’une même gloire. A la vérité, ils n’y atteignent point. Car les poètes contiennent tout. Les anges et les bêtes fréquentent leur pensée. La découverte d’un astre ne varie en rien l’existence du monde. Un axiome de géométrie a sa propre fin en soi-même. L’arithmétique, la médecine, l’hydraulique, voilà des sciences tout abstraites et proprement chimériques, très fantasques. Les pasteurs qui habitent les cimes ignorent les sentences d’un Kepler, la géographie d’un Strabon. Cependant ils agissent comme s’ils les connaissaient. Ils obéissent aux rotations solaires. Leurs troupeaux pâturent l’âpre herbage glacé. Quiconque modèle le cave éclat d’une petite urne diaprée et noire non moins que Newton pressent l’attraction. Instinctivement nous savons tout. Au point de vue matériel il importe fort peu d’apprendre la physique car ni Papin ni Stephenson n’ont accru le bonheur humain, mais tant d’inventions nous bouleversent. Il convient d’en être persuadé : une petite machine influe sur les mœurs, nos conceptions de la morale, tandis qu’elle n’augmente pas nos joies. On pouvait croire que la vapeur, l’électricité et le téléphone effaceraient un peu nos souffrances puisqu’elles simplifient nos actions. Mais ces objets n’ont qu’une valeur d’éthique.

Aujourd’hui, les idéologues, ce sont, peut-on dire, les savants. Ces médecins et ces physiciens, voilà des régénérateurs. Ils transforment nos opinions d’art, ils en modifient l’expression, ils augmentent l’idée que nous