Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/247

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eûmes de Dieu, ils en renforcent et en décorent la majesté.

Quelle que soit la vénération que m’inspirent de grands mathématiciens, je leur préfère les poètes. En effet, ceux-là s’expriment fortement. Afin d’indiquer leur idée de Dieu, les astronomes et les constructeurs, par exemple, usent de parablioques figures et ils concrétisent l’infini dans des chariots, des amphores, des voûtes d’or. Pour nous, nos axiomes sont plus simples. Au lieu de construire une roue de brouette, ainsi que fit jadis Pascal pour l’expression d’une intacte eurythmie, il nous plaît d’user d’un sonore jargon. Nous délaissons l’allégorie qu’emploient encore ces savants. Aussi exprimons-nous bien moins les lois du monde que son souffle, et son frémissement, le caractère d’une contrée.

Homère, Tacite, Diderot, Beethoven, Cervantès, ce sont là des représentants. La méditation de leur âme nous éclaire sur des flores, des tribus, des régions. Il semble qu’ils aient écrit leurs chants en collaboration avec les peuples. Ils donnent corps à nos intentions. Pesants d’antiques hérédités, ils expriment après trois mille ans des ivresses tragiques d’un Patrocle, une gémissante candeur d’aurore, l’allégresse et l’horreur, le pâle délire des rois.

Ah ! noires tempêtes, le souffle énorme qu’exhalent les retentissantes mers, le ciel tout épaissi de brumes marécageuses, les oiseaux, le bœuf, la violette, l’opaque pomme brillante d’un vert clair, la huche, les maisons où luisent des tuiles vives, tout frémit et s’exprime par la bouche d’un poète. C’est là un solennel tyran.

J’aimerais que, chez tous les bergers, une statuette de Virgile fut noblement construite. Une colonne commemorative