Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/57

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quiconque l’appelle, sa bonté secoure les gens. Il n’a jamais vu le bourg du coteau où gronde l’éclat profond des bois. Aux vallées, des carriers travaillent. On entend bruire les scies vivaces. Parmi ,de hautes forêts, les bûcherons geignent ployés, à écorcher des pins. Les résines débordent des branches vertes et on entend grincer les haches. — Mais l’homme, continuement, traverse, de l’aube au soir, d’avril en mars. Le ,fleuve reluit, s’écaille d’écumes, sombre et opaque, bouillonne aux berges. Immobile, brille la chaloupe rouge. — Un poisson, parfois, miroite sous du sable. — Au seuil de sa petite maison dont la porte flambe, peinte d’un vert cru, aigu, acide, le batelier demeure tranquille, à regarder l’eau et l’azur. — Dans l’herbage fluvial le vent siffle !

Voilà, assurément, mon maître. Il m’a plus appris, cet homme, que Platon, ses discours suaves et ses exquis traités. L’uniformité de ses jours m’a éclairé sur son destin. J’en distinguai l’éternité. Cette très placide activité contrasta avec mes violences. Tourmenté d’épouvante, de larmes, de vains désirs, je m’avisai que celui-ci se contentait du même labeur, des horizons toujours semblables. L’insuffisance de sa gloire m’étonna. Pisistrate, peu à peu, délaissa ma pensée. Je convins de sa fausse grandeur. Des héros moins furieux enfin me séduisirent, je parvins à aimer les gens, le bon vigneron, Tityre abrité par l’ombrage d’un hêtre. Et la violence de mes passions s’apaisa sans extravagance.

’D’ailleurs le hameau me fut bon. Patriarcal, blanc et goguenard, comme tous les bourgs de la banlieue. Ici