Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/115

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Hélas ! notre printemps à nous,
Suinte la tristesse et la brume ;
Apollon faiblit des genoux,
Et la muse à trente ans s’enrhume.

Chantez toujours ; votre gaîté
Fait honte à la pale jeunesse,
Qui va changeant, pour sa santé,
L’eau d’Hypocrène en lait d’ânesse.

Que j’aime mieux ce rude hiver,
Où le vent de la fantaisie
Fait pétiller, comme un feu clair,
Tant d’esprit et de poésie !

Votre Pégase guilleret,
De ses grelots, jette à terre
Plus d’une note qu’on dirait
Prise au carillon de Voltaire.

Dans vos huitains, calmes et beaux,
Avec l’autorité d’un sage,
Vous plaisantez sur ces tombeaux
Qui blanchissent au voisinage.

Enfant joyeux d’un siècle fort,
À ce trait on vous peut connaître,
Quand, pour voir de plus près la mort,
Vous vous penchez à la fenêtre ;