Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/163

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Quand j’irais de mon père embrasser les genoux,
Tu ne peux pas, si noir, habiter parmi nous !
Va-t’en vers ces pays inconnus des vieux âges,
Où le soleil plus proche a brûlé les visages.
Là vivent, dans un calme à ma gloire odieux,
Les Éthiopiens visités par les dieux,
Les Nubes vagabonds, nourris du miel des ruches,
Les mangeurs de serpents et les mangeurs d’autruches,
Et les hommes sans tête, et le peuple tout noir
Que l’on entend marcher, sous terre, sans le voir.
Un rempart sablonneux couvre au loin cette engeance.
Mon amour t’y suivra, comme aussi ma vengeance ;
Pars !… ces peuples lointains dont tu seras le roi
N’ont pas courbé leur front sous ma puissante loi.
Abandonnés sans lutte aux pentes naturelles,
Ils ignorent le nom des ardentes querelles ;
Aucun soupçon jaloux ne les vient consumer,
Nul n’a connu, chez eux, les angoisses d’aimer.
Il est temps de fléchir cet orgueil éphémère !
Tu dois un nouveau monde au culte de ta mère.
Pars !… j’armerai tes mains d’inévitables traits.
Du désert flamboyant à la nuit des forêts,
Dans la virginité des grandes solitudes,
Va semer les désirs et les inquiétudes,