Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/164

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Et que tout cœur dompté sente en lui des transports
Brûlants comme ces feux qui t’ont touché le corps ! »

Elle dit. ― aussitôt les colombes fidèles,
Sautelant sous leur joug, avec un grand bruit d’ailes,
Attendent, pour partir, le signal de sa voix.

Mais, rougissant alors pour la première fois,
D’un mouvement de main plein de grâce ingénue,
Cypris, aux forgerons, cache sa gorge nue ;
Et, sur son char de nacre, aux coquilles pareil,
En détournant la tête, étend son corps vermeil.
L’attelage, emporté comme un flocon de neige,
S’élance ― mille oiseaux lui font un long cortége ―
Tantôt fendant les cieux tantôt rasant le sol,
Devers Chypre, à Paphos, il dirige son vol.

Là, cent parfums choisis brûlent pour la déesse,
Là, sous un bois sacré que le zéphyr caresse,
Oublieux des clairons, Mars attend son retour,
Le cœur tout languissant d’un éternel amour…
Longtemps, le fils sans mère, immobile à sa place,
D’un regard consterné la suivit dans l’espace.
Mais quand le char, baigné par les feux du matin,
Disparut tout à coup à l’horizon lointain…