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mius (146) consomma l'asservissement des Grecs. Tout leur territoire devint province romaine sous le nom d’Achaïe.

Depuis ce moment, l'histoire de la Grèce n'offre presque aucun fait important; elle se confond avec celle de l'empire romain. Soulevée un instant par Mithridate, la Grèce fut soumise par Sylla après le siége sanglant d'Athènes, 87. Après ce dernier effort, elle demeura paisible et n'aspira plus qu'à dominer par les lettres et les arts, dans lesquels elle instruisit les Romains; ce qui a fait dire au poëte :

Græcia capta ferum victorem cepit et artes
Intulit agresti Latio.

Lors du partage de l'empire, sous Théodose, la Grèce fit partie de l'empire d'Orient, qui reçoit quelquefois de là le nom d’Empire grec (V. ORIENT). Le nouvel empire est sans cesse désolé par les invasions des barbares : les Visigoths, sous la conduite d'Alaric (395-398), ravagent la Grèce en tous sens; les Vandales (466), les Ostrogoths (475), les Bulgares(500), l'envahissent à leur tour. Viennent ensuite les Slaves (540), qui, pendant deux siècles, parcourent toutes les parties de la Grèce et finissent par s'y établir, d'abord en Macédoine sous Justinien II (687), puis dans le Péloponèse au pied du mont Taygète (746). Deux expéditions furent faites contre eux par les empereurs de Constantinople, la 1re sous Irène (783), la 2e sous Michel III (842-867); après cette dernière, les Slaves soumis se fondent dans la population gréco-romaine. Le IXe siècle fut signalé par les invasions des Arabes, et le Xe par celles des Bulgares; mais les unes et les autres furent repoussées victorieusement. En 1080, Robert Guiscard conduisit en Grèce la 1re expédition normande, et soumit l'Épire ainsi qu'une partie de la Thessalie; en 1146, le roi normand de Sicile, Roger, ravagea l'Étolie et l'Acarnanie, pénétra dans le golfe de Corinthe, prit Corinthe, Thèbes, et emmena une foule de Béotiens captifs. Enfin, lors de la création de l'empire latin de Constantinople (1204), la Grèce conquise par les Croisés fut partagée en un nombre infini de fiefs dont les trois principaux furent le despotat d'Épire, les duchés d'Athènes et de Thèbes et les principautés d'Achaïe, de Morée, et de Nauplie; les Vénitiens, qui avaient prêté leurs galères aux Croisés, eurent en partage la plupart des côtes et les îles de l'Archipel. La durée de ces nouveaux États fut courte : les empereurs de Constantinople, rétablis en 1260, en avaient reconquis une partie, et ceux de ces États qui restèrent indépendants ne tardèrent point à tomber comme l'empire d'Orient sous la domination ottomane. Mahomet II avait déjà pris Constantinople, en 1453, lorsqu'un de ses généraux, Omar-Pacha, s'empara d'Athènes, en 1456; l'Épire, restée indépendante sous Scanderbeg, fut soumise après la mort de ce héros (1467) ; toute la Morée avait reconnu la domination musulmane dès 1460 ; les Vénitiens seuls résistèrent plus longtemps, et ce ne fut qu'en 1573 qu'ils furent forcés d'abandonner toutes leurs prétentions sur la Grèce. Tout le pays fut alors au pouvoir des Turcs, qui en formèrent les 4 pachaliks de Saloniki, de Janina, de Livadie et de Morée ou de Tripolizza, et sous lesquels il ne tarda pas à tomber dans la situation la plus misérable. Cet état de choses subsista sans grand changement jusqu'à la proclamation de l'indépendance de la Grèce. — Les Monténégrins en Épire, soutenus par les Russes, se soulevèrent les premiers (1766); mais cette insurrection fut facilement comprimée; les Maïnotes les imitèrent en Morée (1769-1779), mais avec aussi peu de succès; les Souliotes en Albanie voulurent aussi secouer le joug ; ils résistèrent d'abord victorieusement aux armes d'Ali, pacha de Janina, et firent pour quelque temps reconnaître leur indépendance (1772); mais ils furent aussi réduits en 1804, et l'Albanie tout entière, ainsi que l'Épire, devint la proie d'Ali-Pacha. Cependant, en 1821, éclata un soulèvement général; il fut suivi d'une guerre acharnée qui dura neuf ans, et dont les faits les plus importants sont l'héroïque défense de Missolonghi (1826), la victoire navale remportée à Navarin par les forces combinées de la France, de l'Angleterre et de la Russie (1827) et l'expédition des Français en Morée (1828). Dans cette guerre s'illustrèrent Kolocotronis, Marco-Botzaris, Miaulis, Mavrocordato, Mavromichalis, Constantin Kanaris, etc. Enfin, grâce à l'intervention des puissances européennes, l'indépendance de la Grèce fut proclamée le 3 février 1830. La couronne fut offerte au prince de Saxe-Cobourg (depuis roi des Belges), qui ne put l'accepter. On élut alors, le 7 mars 1832, le prince Othon, 2e fils du roi de Bavière, encore enfant, dont la majorité fut fixée au 1er juin 1835. Cette élection rencontra une vive opposition et le mécontentement fut encore augmenté par la faveur accordée aux étrangers : en 1843, Othon se vit obligé d'expulser les Bavarois ; en 1862, il fut lui-même renversé par une insurrection. Un prince de Danemark fut proclamé roi en 1863 sous le nom de George I, qui épousa la grande-duchesse Olga de Russie (1867). Voir, pour l'histoire de la Grèce ancienne, Hérodote, Thucydide, Xénophon, etc., les histoires de Rollin, de Gillies, de Thirlwall, de Grote; — pour la Grèce moderne, l’Essai histor. sur l'état des Grecs depuis la conquête musulmane de M. Villemain, l'Hist. de la régénération de la Grèce de Pouqueville, l'Hist. de l'insurrection hellénique de Philémon (1859), et de Gervinus, trad. en fr., 1863; la Grèce rom., byzant., turque et régénérée de M. Brunet de Presle, 1860.

GRÈCE (GRANDE-), Græcia magna, nom vague donné par les anciens à l'Italie méridionale à cause des nombreuses colonies grecques dont ses rives furent couvertes. La Grande-Grèce comprenait les régions nommées : Brutium, Lucanie, Calabre, Apulie (Iapygie et Messapie). On l'étendait même à la Campanie. Rhégium, Locres, Crotone, Sybaris, Tarente, Salente, Héraclée, Métaponte, Élée, Neapolis (Naples), Palæopolis et Cumes, en étaient les v. principales.

GRÉCOURT (J. B. Joseph WILLART de), poëte licencieux, né à Tours en 1684, mort en 1743, était ecclésiastique, et fut pourvu dès l'âge de 13 ans d'un canonicat à Tours. Préférant le plaisir aux devoirs de son état, il composa des vers gais et libres, qui le firent rechercher des grands. Ami du maréchal d'Estrées et du duc d'Aiguillon, il passa une partie de sa vie chez ce dernier, au château de Véretz en Touraine. Il a laissé des épîtres, des fables, des contes, des chansons, trop souvent ordurières; ses vers sont négligés, mais faciles. On a réuni ses œuvres en 4 vol. in-12, 1761 et 1764.

GRECQUE (ÉGLISE). On réunit sous ce nom tous les Chrétiens qui célèbrent l'office dans la langue grecque ; mais on doit bien distinguer l’Église grecque unie et l’Église grecque schismatique.

L’Église grecque unie est en communion avec l’Église latine, adoptant la formule signée en 1439 au concile de Florence par les Grecs et les Latins. Les Grecs-Unis étaient surtout répandus en Russie et en Pologne; mais les efforts du gouvt russe en ont beaucoup diminué le nombre.

L’Église grecque schismatique nie la suprématie du pape, le dogme que le St-Esprit procède du Père et du Fils, le Purgatoire, rejette la Confirmation, consacre l'Eucharistie avec du pain levé, permet d'ordonner prêtres des clercs mariés, célèbre l'office en langue grecque, exclut des églises les statues, et n'admet que les 8 premiers conciles œcuméniques. Elle est répandue dans la Grèce, les îles Ioniennes, l'Anatolie, la Russie. Né en 858, sous le patriarche Photius, le schisme grec fut consommé en 1053 par le patriarche Cérularius. Le 2e concile de Lyon, en 1274, et le concile de Florence en 1439, ont vainement tenté de mettre un terme à ce schisme. — L’Église grecque reconnut longtemps pour seul chef le patriarche de Constantinople : les Russes se séparèrent de ce chef en 1588 et eurent d'abord un patriarche distinct, résidant à Moscou ; depuis Pierre le Grand, ils n'ont d'autre chef de leur religion que