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Page:Bouillet - Chassang - Dictionnaire universel d'histoire-geo - 1878 - P2 - H-P.djvu/299

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conclure avec cette dernière puissance la paix d'Aix-la-Chapelle (1668); par ce traité, il abandonnait la Franche-Comté, mais gardait la Flandre. Après s'être assuré de la neutralité de l'Angleterre, Louis XIV déclara en 1672 la guerre aux Hollandais, qui s'étaient précédemment joints à ses ennemis : la campagne fut ouverte avec de brillants succès par le roi en personne, suivi de Turenne et de Condé; c'est au début de cette campagne qu'eut lieu le célèbre passage du Rhin. Le roi d'Espagne, l'Empereur et l'électeur de Brandebourg, que la puissance du monarque français épouvantait, se liguèrent alors contre lui (1674) et commencèrent une nouvelle guerre : Louis s'empara de nouveau de la Franche-Comté, Turenne entra dans le Palatinat, qu'il mit à feu et à sang; Schomberg battit les Espagnols dans le Roussillon; Condé défit le prince d'Orange à Senef; Duquesne gagna deux batailles navales contre Ruyter, qui périt dans la dernière. L'Angleterre étant venue se joindre à la coalition, Louis XIV offrit la paix : il signa, en 1678, le traite de Nimègue, qui lui assurait la Franche-Comté. C'est après ces brillants succès que lui fut décerné le surnom de Grand. La paix ne l'empêcha pas d'ajouter à la France Strasbourg, Luxembourg et 20 autres villes, qu'il se fit adjuger par les Chambres de Réunion (V. ce mot); Alger fut bombardé en 1682, pour avoir insulté le pavillon français, et Gênes dut également s'humilier devant le grand roi (1685). Mais la révocation de l'édit de Nantes (1685) vint interrompre le cours de tant de prospérités : cet acte de rigueur fit sortir de France une foule de familles qui portèrent chez l'étranger leur industrie et leur fortune. Peu après se forma la ligue d'Augsbourg (1686), par laquelle l'Empire, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande se coalisèrent de nouveau contre la France. La campagne s'ouvrit pour Louis XIV par des succès que contre-balança la perte de la bataille navale de La Hogue. Les années 1692, 93 et 94 furent signalées par la prise de Namur et les victoires de Fleurus, de Steinkerque, de Nerwinde et de Marsaille; mais Namur fut reprise par Guillaume à la fin de 1694, et, lasses d'hostilités inutiles, les puissances belligérantes conclurent le traité de Ryswyk (1697) : le roi abandonna ses dernières conquêtes, excepté Strasbourg. La mort de Charles II, roi d'Espagne, qui laissait sa couronne à Philippe, duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, amena une nouvelle coalition, dirigée par le célèbre triumvirat d'Eugène, Marlborough et Heinsius, et alluma une nouvelle guerre, celle de la Succession (1701). Les premières années furent mêlées de succès et de revers; mais en 1704, les Français furent battus à Hochstett, en 1706 à Ramillies et à Turin, et ils perdirent les Pays-Bas et l'Italie. Enfin, en 1707, Berwick gagna en Espagne la victoire signalée d'Almanza, et Duguay-Trouin battit les flottes ennemies dans plusieurs rencontres. Cependant Louis XIV, ayant éprouvé quelques revers l'année suivante, demanda la paix; on ne lui fit que des réponses dures et humiliantes, et il se vit forcé de continuer la guerre; elle ne fut pas heureuse : Villars fut vaincu à Malplaquet par Marlborough et le prince Eugène (1709). Tout semblait perdu lorsque Vendôme gagna la victoire de Villaviciosa, qui rendit le trône d'Espagne à Philippe (1710), et Villars celle de Denain (1712), qui amena la paix d'Utrecht (1713) : par ce traité, Louis XIV conservait ses conquêtes (Alsace, Artois, Flandre, Franche-Comté, Cerdagne, Roussillon). Il mourut deux ans après, le 1er septembre 1715, laissant la couronne à son arrière-petit-fils, Louis XV, qui n'était âgé que de 5 ans. Il avait perdu peu auparavant son fils, dit le Grand Dauphin, et son petit-fils, le duc de Bourgogne. — Le règne de Louis XIV est l'époque la plus brillante de la monarchie : sous ce prince, la gloire des lettres, des arts et du commerce s'unit à celle des armes; c'est alors en effet qu'ont brillé Condé, Turenne, Vauban, Luxembourg, Villars, Catinat, Duquesne et Duguay-Trouin; Colbert et Louvois; Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Bossuet et Fénelon; Lebrun, Lesueur, Girardon, Puget et Perrault; c'est alors que furent élevés l'Hôtel des Invalides, le Val-de-Grâce, les palais de Versailles, de Trianon, de Marly, la colonnade du Louvre, que furent fondées les manufactures de Gobelins, de la Savonnerie, etc. Louis XIV avait toutes les qualités d'un grand roi : noble, généreux, brave, ferme, laborieux, administrateur habile, ami des lettres et des arts, il joignait à ces qualités une figure belle et majestueuse; mais il fut trop absolu dans l'usage du pouvoir (c'est lui qui disait : l'État, c'est moi); en outre il aima trop la guerre, le faste et les plaisirs; il eut un grand nombre de maîtresses, dont les plus célèbres sont Mmes de La Vallière et de Montespan, et il ne craignit pas d'égaler aux princes du sang, en les légitimant, les enfants qu'il en avait eus, notamment le duc du Maine (V. ce nom). Quant à Mme de Maintenon, qui fut la compagne de ses dernières années, il s'était uni à elle par un mariage secret. L. XIV prit une grande part aux affaires ecclésiastiques de son temps : il révoqua l'édit de Nantes (1685); il exerça de grandes rigueurs contre les Protestants, ainsi que contre les Jansénistes, et força son clergé à signer la bulle Unigenitus, qui condamnait ces derniers; cependant il sut, quand il le voulut, maintenir son indépendance vis-à-vis du St-Siége (V. DÉCLARATION DU CLERGÉ); il exigea même impérieusement de deux papes (Alexandre VII et Innocent XI) de dures réparations. On a de ce roi quelques écrits, qui ont été publiés en 1806, sous le titre d’Œuvres de Louis XIV, 6 v. in-8; on y remarque les Instructions qu'il rédigea pour le Dauphin et le roi d'Espagne, et des Mémoires pour l'instruction du Dauphin. Ces Mémoires ont été publiés à part et plus complètement par M. Dreyss, 1859. Entre les ouvrages qui ont été écrits sur ce règne, on distingue : le Siècle de Louis XIV, par Voltaire; l’Histoire de Louis XIV, par Pélisson; l’Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV, par Lémontey; l’Administration de Louis XIV, par Chéruel, 1850. On trouve aussi de curieux détails dans les Mémoires de St-Simon.

LOUIS XV, arrière-petit-fils de Louis XIV, fils du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, né en 1710, fut déclaré roi en 1715, sous la régence, de Philippe, duc d'Orléans, et eut pour précepteur Fleury, évêque de Fréjus, depuis cardinal. Devenu majeur en 1723, il conserva le régent pour premier ministre et reçut de lui pendant quelques mois d'utiles conseils. Philippe étant mort à la fin de 1723, le duc de Bourbon lui succéda au pouvoir : ce prince négocia le mariage du jeune roi avec Marie Leczinska, fille de Stanislas, roi de Pologne. Le cardinal de Fleury, appelé aux affaires en 1726, parvint un instant, par une sage économie, à rétablir l'ordre dans les finances. Stanislas ayant été en 1735 forcé, malgré le secours de la France, d'abandonner son trône de Pologne, Fleury fit céder à ce prince par l'Autriche le duché de Lorraine, en stipulant qu'à sa mort cette province reviendrait à la France. Après la mort de l'empereur Charles VI (1740), la succession de ce souverain fut vivement disputée : Louis XV se déclara pour Charles Albert, électeur de Bavière, contre la fille de l'empereur, Marie-Thérèse, et parvint même à le faire nommer empereur sous le nom de Charles VII; mais en 1742 nos soldats se virent contraints d'évacuer Prague, et peu après, la perte de la bataille de Dettingen détruisit toutes les espérances du protecteur et du protégé (1743). Cependant, Louis, animé, dit-on, par les conseils de la duchesse de Châteauroux, sa maîtresse, va attaquer en personne les possessions autrichiennes dans les Pays-Bas, prend plusieurs places fortes, et court en Alsace s'opposer au duc Charles de Lorraine; mais il tombe gravement malade à Metz (1744). Cette maladie excita les alarmes universelles, et lorsque le roi eut été sauvé comme par miracle, il reçut de son peuple le beau nom de Bien-Aimé. Les batailles de Fontenoy (1745), de Raucoux (1746), gagnées en Flandre sur les Impériaux