Page:Bouilly - Léonore, ou L’Amour conjugal, 1798.djvu/12

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LÉONORE.

(_Avec élan._) Deux ans, dites-vous… (_Revenant à elle._)

Il faut que ce soit un grand criminel. ROC.

Ou qu’il ait d’grands ennemis ; cela revient à-peu-près au même. MARCELINE.

On n’a donc jamais pu savoir d’où il étoit, ni comment il se nommoit ? ROC, _fumant toujours._

Il a voulu souvent jaser avec moi d’tout cela…. LÉONORE.

Eh bien ! ROC.

Mais, comme dans mon état il faut se donner le moins qu’on peut de s’crets à garder, j’n'ai pas voulu l’entendre…. Oh ! i-n’me tourment’ra pas long-tems celui-là… il ne peut aller loin. LÉONORE, _avec altération._

Comment donc ? ROC, _avec mystère._

Des ordres sont donnés de le laisser périr de faim. LÉONORE, _à part._

Ciel ! MARCELINE.

Ô mon dieu ! qu’a-t-il donc fait pour ça ? LÉONORE.

J’avois raison de vous dire… que c’étoit à coup sûr…. un grand criminel. ROC, _avec plus de mystère encore._

Depuis un mois dom Pizare me fait réduire chaque jour sa portion…. il n’a plus que deux onces de pain noir par vingt-quatre heures, et une demi-mesure d’eau…. Jamais d’lumière que celle d’ma lanterne…. Plus d’paille…. rien…. c’qui fait qu’tous ses vêtemens pourris…. MARCELINE.

Ah ! gardez-vous bien d’y conduire mon Fidélio, ce spectacle affreux lui f’roit trop de mal…. Pas vrai, mon ami ?

LÉONORE.

Pourquoi donc ?… Il faut bien s’accoutumer à tout…. surtout dans notre état. Oh ! j’ai de la force et du courage.