Page:Bouilly - Léonore, ou L’Amour conjugal, 1798.djvu/29

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ROC.

(_À part._) Je n’risque rien maintenant de l’satisfaire ; (_à Florestan._) le gouverneur de ces prisons, c’est dom Pizare. FLORESTANT.

Pizare, dites-vous !… Ah ! je ne suis plus surpris des tortures sans nombre dont je suis accablé…. c’est lui dont j’osai divulguer les crimes, l’abus d’autorité ; c’est lui qui trouvant encore le moyen d’arracher des ordres supérieurs, m’a fait plonger vivant dans ce séjour de mort, dont sans doute il ne s’est fait nommer gouverneur, que pour exercer sur moi la plus cruelle vengeance. LÉONORE, _reprenant ses sens par degrés._

Ô monstre ! ta barbarie me rend toute ma force. FLORESTANT.

Si vous vouliez me servir, l’amitié la plus tendre,… (_mouvement d’indifférence de ROC._) les bénédictions d’une famille entière (_autre mouvement d’indifférence_) votre fortune assurée ; (_ROC fait un mouvement d’émotion_) vous n’êtes pas fait pour être le complice d’un assassin ; sauvez-moi, arrachez-moi de ces cachots affreux. ROC, _après un instant de réflexion._

Non, non ; impossible ! FLORESTANT.

Je ne vous demande pas de briser vous-même ces fers confiés à votre garde ; mais envoyez au plutôt à Séville : nous ne devons pas en être éloignés ;… sur la place d’Armes est l’hôtel qui porte mon nom ; vous y ferez demander Léonore Florestan…. LÉONORE, _toujours à part._

Il est loin de penser qu’en ce moment elle creuse sa fosse. FLORESTANT.

Pardonnez si à ce nom chéri, tout mon cœur s’est ému vous la ferez instruire que j’existe encore…. vous lui apprendrez l’endroit où je suis enchaîné, le nom du barbare qui commande en ces lieux…. elle obtiendra ma liberté, ma vie…. et vous aurez à-la-fois protégé la vertu, servi l’amour, et sauvé l’innocence. ROC.

Impossible, vous dis-je, je me perdrois sans vous être utile.