Page:Bouilly - Léonore, ou L’Amour conjugal, 1798.djvu/30

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FLORESTANT.

Eh bien, puisqu’il faut que je termine ici mon sort, daignez du moins en adourir l’amertume, et ne me laissez pas expirer lentement de misère et de besoin ;… ces vêtemens pourris par l’humidité de ce cachot, forment sur mon corps une glace mortelle… depuis un jour entier pas la moindre nourriture : si vous saviez ce que je souffre ! LÉONORE, _s’élançant et se retenant avec effort le long de la muraille._

Quelle épreuve ! ô mon dieu ! FLORESTANT.

Par pitié, une seule goutte d’eau, pour rafraîchir un peu mes entrailles brûlantes…. une goutte d’eau ; c’est bien peu de chose ; ne me la refusez pas. ROC, _à part._

Il me déchire malgré moi. LÉONORE, _examinant ROC._

Il paroît s’attendrir. FLORESTANT, _à ROC, du ton le plus pénétrant._

Vous ne me répondez rien ? ROC, _avec émotion._

Je n’puis vous procurer ce ; que vous m’demandez…. tout ce que j’puis vous offrir, c’est un reste de vin que j’ai là dans ma gourde…. Fidélio ? LÉONORE, _portant la gourde avec la plus grande précipitation._

La voilà…. la voilà…. FLORESTANT, _regardant Léonore._

Quel est donc ce jeune homme ? ROC.

Mon porte-clefs… et mon gendre sous peu de jours… (_Presentant la gourde à Florestan._) c’est peu de chose ; mais vrai, j’vous l’offre de bon cœur…. (_à Léonore pendant que Florestan boit._) comme tu es ému, toi ! LÉONORE, _avec le plus grand trouble._

Eh qui ne seroit pas ?… vous-même, maître ROC… ROC.

Il est vrai… ce diable d’homme a un son de voix… LÉONORE.

Oh, oui… qui pénètre jusques au fond du cœur.