Page:Boulenger - L'affaire Shakespeare, 1919.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
EXPOSÉ.

était parfaitement au fait des sciences occultes ; il lisait le latin, l’italien, l’espagnol, et savait le français jusque dans ses finesses, étant capable de faire des jeux de mots dans notre langue ; son anglais enfin est miraculeux ; selon Max Muller, un paysan britannique utilise environ cinq cent mots, un homme qui a fait des études universitaires trois à quatre mille, Thackeray en emploie cinq mille, Milton sept mille, mais on en compte quinze mille dans Shakespeare. Et tout cela témoigne d’une vaste culture ; et ce sont des connaissances livresques que l’imagination la plus créatrice ne saurait inventer, bref qui sont d’un autre ordre que celles que j’énumérais plus haut.

Où donc William Shakespeare aurait-il acquis tant de science ? demandent les sceptiques. Sa mère signait d’une croix, son père ne savait pas écrire et ses deux filles furent illettrées. À Stratford, treize membres du conseil municipal, sur dix-neuf, ne savaient apparemment point lire. La grammar school de Stratford n’était pas des meilleures, puisqu’il ne s’y trouvait qu’un seul maître pour toutes les classes, et Shakespeare n’y demeura que cinq ou six ans, moins que la durée normale. C’est après avoir quitté son village, en 1585, ou plus vraisemblablement en 1587 (puisqu’à cette date il y est encore cité dans un acte), que ce jeune paysan, qui n’aimait pas les livres[1], dut acqué-

  1. Les hérétiques insistent beaucoup là-dessus : son testament ne fait aucune mention de livres. M. S. Lee suppose qu’ils ont été compris dans la rubrique générale des « goodes » et des « chattels ». Mais ç’aurait été contraire à tous les usages, les livres valant alors fort cher : Hall, par exemple, le propre gendre de Shakespeare, mentionne son « cabinet de livres ».