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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

seur au Collège de France, auteur de belles découvertes sur Rabelais, comme sur Marot ou Molière, n’en manque pas. Je gagerais qu’il a toujours aperçu d’abord par intuition ce qu’il a démontré ensuite. On sent qu’il n’est pas de ces gens dont parle Rémy de Gourmont, pour qui le mot océan, par exemple, n’est qu’un peu de noir sur du blanc. C’est parce qu’il imagine réellement les écrivains d’autrefois dans leur cadre et leur milieu, parce qu’il n’étudie pas leurs œuvres sans en voir en pensée les scènes et les personnages, qu’il a pu dégager le petit canevas de réalité sur lequel Rabelais, par exemple, a brodé son Pantagruel et son Gargantua. À son tour, il apporte une solution à l’ « affaire Shakespeare ». Pour lui, ce n’est ni Bacon, ni Rutland, ni Southampton qui a composé l’immortel théâtre : c’est un grand seigneur toutefois (et il est frappant que l’œuvre appelle si nécessairement cette idée), c’est William Stanley, VIe comte de Derby.

William Stanley, second fils de Henry, IVe comte de Derby, et de Marguerite de Clifford, né à Londres en 1561, fut immatriculé à St John’s Collège, à Oxford, en 1572. À vingt et un ans, il partit pour un long voyage sur le continent, sous la garde de son gouverneur nommé Richard Lloyd. Il arriva à Paris le 27 juillet 1582 et fut fort bien accueilli à la cour de Henri III, puis il visita les bords de la Loire, Orléans, Blois, Tours, Saumur, Angers, voilà ce qui