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Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/171

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MERLIN ET VIVIANE

aux yeux de tous il n’y a là que de l’eau. Et si, par envie ou traîtrise, quelqu’un de vos gens révélait le secret, aussitôt le château disparaîtrait pour lui et il se noierait en y croyant entrer.

— Par Dieu, bel ami, dit Viviane, jamais on n’entendit parler d’une demeure plus secrète et plus belle !

Merlin fut si content de la voir contente qu’il ne se put tenir de lui apprendre encore plusieurs de ses enchantements ; bref il lui en enseigna tant qu’il en fut depuis tenu pour fol, et l’est encore. Car elle mettait tout en écrit, étant bonne clergesse dans les sept arts, et elle ne songeait qu’à l’engeigner.

— Sire, lui demanda-t-elle un jour, il y a encore une chose que je voudrais bien savoir : c’est comment je pourrais enserrer un homme sans tour, sans murs et sans fers, de manière qu’il ne pût jamais s’échapper sans mon consentement.

Merlin baissa la tête en soupirant.

— Qu’avez-vous ? fit-elle.

— Ha, je sais bien ce que vous pensez, et que vous me voulez détenir à jamais, et voici que je vous aime si fort qu’il me faudra faire votre volonté !

Alors elle lui mit les bras au col :

— Eh bien, ne devez-vous pas être mien, quand je suis votre et que j’ai quitté père et mère pour vous ? Je n’ai sans vous ni joie ni bien ; en