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MERLIN L’ENCHANTEUR


LIV


Rêvant ainsi, il était entré dans la forêt de Brocéliande. Tout à coup il s’entendit appeler par une voix lointaine et il aperçut devant lui une sorte de vapeur qui, pour aérienne et translucide qu’elle fût, empêchait son cheval de passer.

— Comment ! disait-elle, ne me reconnaissez vous plus ? Bien vrai est le proverbe du sage : qui laisse la cour, la cour l’oublie !

— Ha, Merlin, est-ce vous ? s’écria messire Gauvain. Je vous supplie de m’apparaître, et que je vous puisse voir.

— Las ! Gauvain, reprit la voix, vous ne me verrez plus jamais ; et après vous je ne parlerai plus qu’à ma mie. Le monde n’a pas de tour si forte que la prison d’air où elle m’a enserré.

— Quoi ! beau doux ami, êtes-vous si bien retenu que vous ne puissiez vous montrer à moi ? Vous, le plus sage des hommes !

— Non pas, mais le plus fol, repartit Merlin, car je savais bien ce qui n’adviendrait. Un jour que j’errais avec ma mie par la forêt, je m’endormis au pied d’un buisson d’épines, la tête dans son giron ; lors elle se leva bellement et fit un cercle de son voile autour du buisson ; et