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MERLIN L’ENCHANTEUR

Ce lévrier vaut deux roussins comme celui que j’avais.

— Par la Sainte Croix, il vous en souviendra !

Et en disant ces mots, le maître frappe l’enfant d’un tel soufflet qu’il le jette à terre. Lancelot ne pleure ni ne crie, mais répète qu’il prise plus le lévrier que deux roussins. Le maître en colère cingle rudement le chien de sa verge et l’animal, qui était jeune, se met à hurler.

Furieux, Lancelot lâche les deux laisses et, arrachant son arc de son col, court sus à son maître. Celui-ci, qui le voit venir, tente de le saisir. Mais l’enfant, vite et léger comme il était, évite la prise et le frappe du tranchant de l’arc sur la tête si durement qu’il lui fend la peau et l’abat tout étourdi. Puis, fou de colère à la vue de son arc brisé, il se jette sur lui et le frappe à nouveau, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de l’arc de quoi donner un coup. Les trois compagnons s’efforcent de s’emparer de lui ; mais il tire ses flèches et se met à les leur lancer, cherchant à les tuer, si bien qu’ils s’enfuient comme ils peuvent à travers le bois.

Alors l’enfant monte sur un de leurs chevaux, et, emportant ses deux chiens, l’un devant, l’autre en croupe, s’en va par la forêt. Et tout à coup, comme il traversait une vallée, il vit passer une harde de biches. D’instinct, il cherche son arc à son col, et, se rappelant soudain comment il l’a brisé et perdu, il se remet en rage : « Celui qui