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LANCELOT ET SON MAITRE

m’empêche d’avoir une de ces biches, il me le paiera cher ! songe-t-il. Avec le meilleur lévrier et le meilleur limier, je ne pouvais manquer mon coup ! » Il revient au Lac, entre dans la cour, et se rend chez sa Dame pour lui montrer son beau lévrier. Mais le maître, tout sanglant, avait déjà fait sa plainte.

— Fils de Roi, dit-elle en feignant d’être très irritée, comment m’avez-vous fait un tel outrage que de frapper et blesser celui que je vous avais baillé pour vous enseigner ?

— Dame, il n’était pas bon maître quand il m’a battu parce que j’avais bien agi. Peu m’importaient ses coups. Mais il a frappé mon lévrier, qui est des meilleurs du monde, et si durement que pour un peu il le tuait sous mes yeux, et cela parce qu’il savait que je l’aimais. Encore m’a-t-il causé un autre ennui, car il m’a privé de tuer une belle biche. Et sachez bien que partout où je le rencontrerai j’essaierai de l’occire, sauf ici.

La Dame fut bien heureuse de l’entendre si fièrement parler ; mais, feignant toujours d’être courroucée, elle reprit :

— Comment avez-vous osé donner ce qui m’appartient ?

— Dame, tant que je serai sous vos ordres et gouverné par un garçon, il me faudra garder de bien des choses. Quand je n’y voudrai plus être, je partirai. Mais, devant que je m’en aille,