Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
VIVIANE

Là vivait un vavasseur, nommé Dyonas, qui était filleul de Diane, la déesse des bois. Avant de mourir, elle lui avait accordé pour don, au nom du dieu de la lune et des étoiles, que sa première fille serait tant désirée par le plus sage des hommes, que celui-ci lui serait soumis dès qu’il l’aurait vue et lui apprendrait sa science par force de nigromancie. Dyonas engendra une fille qu’il appela Viviane en chaldéen, ce qui signifie en français : Rien n’en ferai. Et Viviane, qui avait alors douze ans d’âge, venait souvent jouer et se divertir dans la forêt.

Un jour qu’elle était assise au bord d’une fontaine claire dont les graviers luisaient comme de l’argent fin, Merlin vint à passer sous la semblance d’un très beau jouvenceau. Dès qu’il la vit, il l’admira si fort qu’il ne put que la saluer sans mot dire. « Je serais bien fol, pensait-il cependant (car il savait toutes choses), si je m’endormais dans le péché et si je perdais toute liberté pour avoir le déduit d’une pucelle et la honnir en offensant Dieu. » Mais elle lui dit comme une fille sage et bien apprise :

— Que Celui qui connaît toutes nos pensées vous envoie telle volonté et tel courage, que bien vous fasse !

Et, à l’instant qu’il entendit sa voix, Merlin s’assit au bord de la fontaine :

— Ha ! demoiselle, qui êtes-vous ?

— Je suis de ce pays et fille au vavasseur qui