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GAHERIET ET SAGREMOR

dait sur le pont, courut à sa rencontre et lui dit gaiement, en arrêtant son cheval par la bride :

— Sire, vous êtes pris ! Il vous faut demeurer aujourd’hui en ma prison.

Elle appela deux valets dont l’un débarrassa Gaheriet de son écu et l’autre conduisit son cheval à l’étable. Cependant elle le menait par la main au logis, où elle le fit désarmer ; après quoi elle le baigna, puis lui passa une robe légère, car il faisait chaud, et tous deux s’assirent sur la jonchée pour se rafraîchir. Mais, sur ces entrefaites, le sire du château entra dans la salle, revenant de la chasse où il avait été tout le jour, et il fut très courroucé de trouver là ce bel étranger : il l’eût bien mis à la porte, mais, faute de prétexte, il n’osa. Sa femme se leva et lui souhaita timidement la bienvenue. Il lui rendit son salut lourdement et passa dans sa chambre.

Là-dessus, un valet vint dire qu’un second chevalier errant était à la porte, qui demandait d’être hébergé.

— Amène-le, dit la dame, mais garde que messire ne le sache, car il ne voudrait recevoir deux étrangers.

Et bientôt l’inconnu, qu’on avait désarmé, entra dans la salle : c’était Sagremor le desréé. Comme Gaheriet et lui se faisaient amitié, le sire bourru sortit de sa chambre. Il fronça les sourcils en les voyant.