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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

XV

Au matin, elle sommeillait encore dans sa chambre encourtinée, lorsque Méléagant vint lui rendre visite, comme il avait coutume. D’abord qu’il entra, il aperçut les traces de sang frais sur les draps. Il alla au lit de Keu dans la pièce voisine et le vit pareillement taché : car les blessures du sénéchal s’étaient rouvertes durant la nuit.

— Dame, voici du nouveau ! s’écria-t-il. Mon père vous a très bien gardée de moi, mais très mal de Keu le sénéchal. Et c’est grande déloyauté à vous que d’avoir honni l’un des plus prud’hommes du monde pour en choisir le plus mauvais !

À ces mots, Keu, pour souffrant qu’il fut, ne put se tenir de crier qu’il était prêt à se défendre d’une telle injure ou par épreuves ou par bataille. Mais Méléagant, sans lui répondre, envoya quérir son père. Et lorsque le roi Baudemagu eut vu les draps sanglants :

— Dame, dit-il, vous avez mal agi !

— Sire, répondit la reine, je ne mets pas mon corps au marché ! Bien souvent, la nuit, le nez me saigne. Que Dieu ne me pardonne jamais,