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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

XIX


Tant de seigneurs étaient venus à Pomeglay, dit le conte, qu’il n’était point de maison où ne pendît l’écu d’un chevalier. Ceux qui n’avaient pas envoyé leurs fourriers à temps n’avaient pu s’héberger dans la ville et tout alentour des murailles s’élevaient leurs tentes et leurs pavillons. Aux fenêtres flottaient les bannières, les murs étaient tout tendus d’étoffes, et les rues si bien jonchées de menthe, de glaïeuls et de joncs qu’on se fût cru dans la salle du plus riche palais. Elles étaient pleines de destriers, de chevaliers, de valets qui portaient des présents aux dames et aux pucelles, de damoiseaux faisant gorge aux faucons. Mais c’est le marché qu’il fallait voir, tant il était bien fourni de volaille, de poisson, de cire et d’épices ! Les changeurs criaient : « C’est vrai ! » ou « C’est mensonge ! » et ils n’avaient pas seulement de la monnaie : jamais on ne vit autant de pierreries étalées, ni tant d’images et de vaisselle d’or et d’argent. Cependant les cloches, les cors, les buccines sonnaient ; les couteaux cliquetaient dans les cuisines qui rougeoyaient ; à tous les carrefours paradaient les acrobates, les jongleurs, les