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LANCELOT FAIT AU PIS

eut soupçon que c’était là Lancelot et fut le dire à la reine. Mais il y avait longtemps qu’elle l’avait deviné. Et pour tromper tout le monde, elle appela l’une de ses pucelles :

— Allez, lui dit-elle tout bas, au chevalier qui jusqu’à présent a si bien fait et commandez-lui de par moi qu’il fasse désormais au pis qu’il pourra.

— Oui, dame.

Et, montée sur sa mule, la pucelle traversa le champ et prit si bien son temps qu’elle fit le message à Lancelot au moment qu’il prenait une nouvelle lance de son écuyer. Aussitôt il s’adresse à un chevalier et manque exprès son coup ; puis il feint d’avoir peur, s’accroche au cou de son cheval, s’enfuit devant tous ceux qui l’approchent : de manière qu’à la fin valets, sergents, écuyers se mirent de toutes parts à huer le couard.

— Ami, criait-on au héraut qui avait prédit qu’il emporterait tout, il a tant auné, ton champion, qu’à présent son aune est brisée ! Où est-il allé ? où s’est-il tapi ?

Toute la nuit, dans leurs logis, ceux qu’il avait vaincus s’étranglèrent de médisance sur lui. Mais tel qui dit du mal d’autrui est souvent pire que celui qu’il blâme, et on le vit bien le lendemain. Pour le faire bref, le conte dit seulement qu’il en fut tout de même que le premier jour du tournoi : Lancelot fit d’abord au