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MARCELINE DESBORDES-VALMORE

une sorte de découragement, de lassitude désolée (et il pourrait bien s’être passé vers cette époque un événement décisif dans sa vie sentimentale : une désillusion cruelle, que sais-je ?) On sent que sa blessure n’est plus si fraiche ni si vive ; elle célèbre sa douleur avec plus de couleurs, plus d’images, plus d’art, moins d’ardeur aussi. D’autre part, son inspiration s’est étendue, son ceur vibre à d’autres sentiments que sa passion. Elle chante ses enfants, ses amis, elle écrit des contes pour le jcune age ; les sanglantes insurrections de Lyon, en 1834, font naître ces beaux vers, d’une vigueur rare chez elle :

Nous n’avons plus d’argent pour enterrer nos morts, Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles, Et les corps étendus, troués par les mitrailles, Attendent un linceul, une croix, un remords. Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe, Où va-t-il ? Au Trésor, toucher le prix du sang. Il en a bien versé… Mais sa main n’est pas lasse Elle a, sans le combattre, égorgé le passant. Dieu l’a vu, Dieu cueillait comme des fleurs froissées Les femmes, les enfants qui s’envolaient aux cieux, Les hommes… les voilà dans le sang jusqu’aux yeux. L’air n’a pu balayer tant d’Ames courroucées.