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MARCELINE DESBORDES-VALMORE

forcer particulièrement à éprouver d’autres sentiments que ceux de ces tendres héroïncs, dont elle exprimait si bien, à l’OpéraComique, les larmes et les alarmes. Car, lorsqu’avec une âmc prodigieusement dénuée d’ironie on a pour métier d’incarner tous les soirs des personnages sympathiques et admirables, il est tout naturel qu’on s’applique à lour ressembler jusqu’à un certain point dans la vie. (Ce qui ne veut pas dire qu’on ne soit pas sincère, puisqu’on finit presque toujours, même s’ils n’y sont point, par trouver en soi les sentiments qu’on y cherche.) Ainsi, le métier même de Marceline devait exalter beaucoup sa sensibilité. Jeune première, elle n’étail occupée par profession qu’à imaginer et à exprimer l’amour. Elle avait, pour ainsi dire, le cœur merveilleusement « entraîné ». Et quand on possède une belle imagination de poète avec une candeur sans pareille, ct quand on vient de sentir, pendant cinq actes, tous les pudiques transports d’unc amoureuse de Florian ou de Jadin, n’en garde-t-on pas, en quitiant le théâtre, une certaine langueur d’âme qui ne dispose que trop à n’être point cruelle ?

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