Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/121

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l’homme illustre, et je parlais de son génie avec une irrévérence dont le seul ressouvenir me fait aujourd’hui monter la rougeur au front. La contradiction d’hommes sensés, d’hommes graves, juges compétents, ne faisait que m’exaspérer, et me pousser à multiplier les sottises et les blasphèmes.

« Ce temps dura son temps, » comme s’exprime Lacordaire ; après quelques années, m’éclairant par l’expérience, et moins affolé des lectures frivoles, je commençai par l’étude, par la réflexion, à prendre goût aux vraies beautés littéraires, à rectifier mon jugement faussé, à revenir sur mes préventions, sans être entièrement raisonnable toutefois, particulièrement à l’égard de Bossuet, peut-être, à cause de la fameuse Histoire Universelle, lue ou plutôt feuilletée en temps inopportun et à laquelle je gardais rancune et par contre coup à son auteur.

Or, certain soir que, devant un homme respectable, à qui je dois être reconnaissant à toujours du service qu’il me rendit alors, je m’exprimais sur le compte de Bossuet écrivain en termes assez lestes et le qualifiais comme je ne ferais pas maintenant tel de nos plumitifs à la douzaine, je fus interrompu vivement quoique pourtant sans humeur par l’auditeur en question qui me dit :

« Je ne puis m’empêcher de vous l’avouer, mon jeune ami, ce langage m’afflige pour vous ; je le comprendrais à peine chez un lycéen ennuyé du pensum et de la retenue. Mais vous n’en êtes plus là, Dieu merci ? Excusez-moi de vous le dire, pour en parler sur ce ton, il faut que vous ne connaissiez pas ou connaissiez bien peu celui que vous attaquez.