Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il se sentait plus d’estime que de sympathie. On a dit que les grandes manières de Fénelon, la supériorité de son génie, mises en relief par une élocution facile et brillante, gênaient Louis XIV qui, dans la conversation, s’étonnait qu’on eût un avis trop différent du sien et qu’on ne lui laissât pas toujours l’honneur du premier rôle. Nous doutons que cette explication soit la vraie : ne faudrait-il pas plutôt attribuer les sentiments du roi, sa froideur persévérante qui devint de l’antipathie, à une autre cause, à certain passage d’une lettre écrite, paraît-il, à Madame de Maintenon et dans laquelle, par une regrettable exagération, Fénelon allait jusqu’à dire « qu’il (le Roi) n’avait aucune idée de ses devoirs. » Ce jugement, qui semblait si dur, excessif dans sa forme brève et absolue, dut choquer horriblement Louis XIV, et sans l’excuser, on comprend qu’une telle parole ait eu peine à s’effacer de son souvenir.

Par malheur, comme nous l’avons dit plus haut, l’affaire du Quiétisme, les ménagements de l’évêque de Cambrai pour Madame Guyon et enfin la publication du livre des Maximes des Saints, dénoncé avec tant de véhémence par Bossuet comme la quintessence de l’hérésie, ajoutèrent coup sur coup aux préventions du roi que l’apparition du Télémaque, bientôt après, acheva d’irriter. De ce jour la disgrâce de Fénelon fut complète et sans nul espoir de retour, d’autant plus que Madame de Maintenon, autrefois son amie, n’avait pas été la dernière à l’abandonner. Fénelon souffrit de tout cela, mais surtout de se voir éloigné et presque séparé de son élève le duc de Bourgogne qui le récompensait de son dévouement par une affection tendrement filiale. Au