Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/68

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dans le seul but de voir Mozart, dont il admirait passionnément la musique. Après avoir lu la lettre d’introduction et de recommandation, Mozart dit au visiteur de se mettre au piano et d’improviser. Le brillant et la sûreté de l’exécution firent croire au maëstro que ce qu’il entendait était appris de mémoire, et il ne put dissimuler ce soupçon au jeune homme. Celui-ci, un peu piqué, dit avec vivacité :

« Eh bien ! donnez-moi vous-même un thème, celui que vous voudrez.

— Soit, reprit Mozart, ajoutant en à-parté : je vais bien t’attraper.

Et au bout de quelques instants, il remettait à Beethoven un sujet de fugue hérissé de difficultés et qui pour un débutant offrait plus d’un piége. Mais le jeune artiste sut les deviner, et ce thème presque impossible il le développa avec tant de force, de verve, de génie, que Mozart, confondu, se leva doucement, et se glissant sur la pointe du pied dans la pièce voisine, dit à des amis qui s’y trouvaient :

« Faites attention à ce jeune homme, vous en entendrez parler quelque jour. »

Après la mort de son père, (1792) Beethoven quitta la ville de Bonn, qui lui offrait trop peu de ressources, et se rendit de nouveau à Vienne, mais avec la pensée, cette fois, de s’y fixer. Il n’y retrouva plus Mozart, mais la Providence lui ménageait un protecteur plus puissant et non moins zélé dans la personne du prince Lichnowsky, « un de ces nobles seigneurs, dit Fétis[1],

  1. Biographie des musiciens.