Aller au contenu

Page:Bourassa - Jacques et Marie, souvenir d'un peuple dispersé, 1866.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
jacques et marie

l’abri de la violence ; la porte, qui était la seule ouverture de l’habitation, ne consistait qu’en quelques pièces de bois mal jointes que les habitants suspendaient, à la nuit, devant l’entrée.

Aussitôt que Jacques s’en fut approché, il mit la tête au guichet et dit a la mère :

— N’ayez pas peur, brave femme, nous sommes de vos amis : je venais seulement vous demander si vous aviez vu passer le missionnaire, cette après-midi.

— Not’nouveau Père ? répondit celle-ci.

— Précisément.

— Eh ! ben, non, monsieur, je ne l’avons pas vu depuis quinze jours.

— C’est étrange ! fit Jacques ; est-ce qu’il peut passer par un autre chemin ?

— Sans doute, monsieur, depuis quelque temps il vient toujours par un sentier isolé, plus direct que le chemin du roi et meilleur pour les piétons ; vous le rencontrerez à trois quarts de lieue d’ici.

— Pourriez-vous me dire, ajouta Jacques, s’il se trouve des Hébert parmi les habitants de cette nouvelle commune ?…

— Des Hébert ! monsieur, oh ! il n’en manque pas. D’abord, mon mari est un Hébert… Thomas, fils de Thomas et petit-fils du grand Thomas… puis, j’avons un cousin, qui est not’cinquième voisin. Paul dit le courteau, un blond ; puis j’avons un oncle, qui s’appelle François à Simon, c’est le père de not’cousin : ils restent côte à côte ; puis il y en a encore d’autres…

Il y a un proverbe qui est quelquefois faux, c’est celui-ci : « Abondance de bien ne nuit pas » : dans ce moment Jacques trouva que pour avoir tant cherché des Hébert, le ciel lui en envoyait trop à la fois. L’histoire doit dire que ce nom était aussi répandu parmi les Acadiens que celui de Smith chez les Anglais.

— Et d’où vient votre famille ? poursuivit notre capitaine.

— De Port-Lajoye, dans l’Île St. Jean : elle sortait originairement des Hébert de la Rivière-aux-Hébert, sur la Baie de Beau-Bassin.

Evidemment, se dit Jacques en lui-même, voilà des parents qui ne me touchent pas de très-près.

— Et les autres Hébert de la commune, ajouta-t-il tout haut, les connaissez-vous bien ? savez-vous de quelle partie de notre pays ils étaient ?

— Je ne les connaissions pas beaucoup, monsieur. Il n’y a pas un an que je sommes ici ; et je n’avions pas eu le temps, je vous assure, de courir le voisinage qui n’est pas encore proche, comme vous voyez : faire un peu de terre-neuve, semer un p’tit brin de grain,