Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 2.djvu/17

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à la veille de la Révolution, renouvela l’élan que la foi avait produit à la veille de la Réforme. Elle assura la prise de possession du monde par l’Européen. C’est alors qu’il en fit le tour pour la première fois, jeta les bases de l’association africaine, commença à peupler l’Océanie, et vit en Amérique se constituer des peuples assez forts pour rejeter sa tutelle et revendiquer pour eux seuls un continent.

La politique européenne, quoique conforme encore par sa nature et ses procédés à celle du dix-huitième siècle, n’a pu, de 1815 à 1830, échapper aux conséquences de changements aussi considérables. L’intérêt, son unique règle, exigeait encore qu’elle s’y adaptât. Et, par ce motif, on a vu souvent les États, en dépit de leur égoïsme, revenir à des principes de justice et de paix qui paraissaient inconciliables avec leurs appétits. Instrument de conquête forgé par la Russie au moyen de formules qui rappelaient les dogmes de la Révolution, la Sainte-Alliance est devenue aux mains de Metternich un instrument de conservation et de défense contre les ambitions des tsars en Orient. La fameuse politique de non-intervention, pratiquée par l’Angleterre et par la France, n’a point été autre chose qu’un hommage forcé des grandes puissances, jalouses les unes des autres, inquiètes des progrès de l’Amérique, à un droit contre lequel elles paraissaient armées et toutes-puissantes, à la paix dont leurs ambitions s’accommodaient mal.

Ainsi on a pu croire, en 1830, à un retour prochain de la justice entre les nations, à un réveil du droit dans le monde. L’Amérique du Sud, puis la Grèce indépendantes, la Belgique arrachée aux Nassau et la France aux Bourbons ont paru les témoins d’une nouvelle révolution universelle qui rappelait les espérances de la première, les promesses de la propagande et de l’esprit français. C’est là une illusion que les Français ont entretenue, dont ils ont fait la règle de leur politique étrangère, politique d’action et de revanche plutôt que de justice et de principe. Tout ce qui pouvait ébranler le monde, de l’isthme de Panama au Bosphore, crises d’Espagne ou d’Italie, révoltes dans l’Amérique mé-