Aller au contenu

Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mort, qu’arrache un spectacle d’horreur, et, comme s’il eût eu peur de tout, de ce spectacle, de ces murs, de cette femme, de lui-même, il s’enfuit de la chambre et de l’appartement, la tête nue, l’âme affolée. Il avait eu assez de force pour sentir qu’après cinq minutes il serait devenu un meurtrier.

Il s’enfuit, où ? comment ? par quels chemins ? Jamais il ne sut avec netteté ce qu’il avait fait durant cette journée. Il se rappela, le lendemain, et parce qu’il en eut la preuve palpable auprès de lui, qu’à un moment il s’était vu dans la glace d’une devanture, la face hagarde, les cheveux au vent, et que, par une bizarre survivance du sentiment de la tenue, il était entré dans une boutique pour y acheter un chapeau. Puis il avait marché droit devant lui, traversant d’interminables quartiers de Paris. Les maisons succédaient aux maisons, indéfiniment. À une minute, il fut dans la campagne de la banlieue. L’orage éclata, et il put s’abriter sous un pont de chemin de fer. Combien de temps resta-t-il ainsi ? La pluie tombait par torrents. Il était appuyé contre une des parois du pont. D’intervalle en intervalle, des trains passaient, ébranlant toutes les pierres. La pluie cessa. Il se remit en marche, s’éclaboussant aux flaques d’eau, n’ayant rien mangé depuis le matin