Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/171

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et n’y prenant pas garde. Le mouvement automatique de son corps lui était nécessaire pour ne pas sombrer dans la folie, et, instinctivement, il allait. La monstrueuse chose qu’il avait aperçue à travers le saisissement d’une foudroyante épouvante était là, devant ses yeux ; il la voyait, il la savait réelle, et il ne la comprenait pas. Il était comme un homme assommé. Il éprouvait une sensation si insupportable qu’elle n’était même plus de la douleur, tant elle dépassait les forces de son être en les écrasant. Le soir tombait. Il se retrouva sur la route de sa maison, conduit par l’impulsion machinale qui ramène l’animal saignant du côté de sa tanière. Vers dix heures, il sonnait à la porte de l’hôtel de la rue Vaneau.

— « Il n’est rien arrivé à monsieur Hubert ? » fit le concierge ; « ces dames étaient si inquiètes… »

— « Fais-leur dire que je suis rentré, « dit le jeune homme, « mais que je suis souffrant et que je désire être seul, absolument seul, tu entends, Firmin. » Le ton avec lequel cette phrase était dite coupa toute question sur la bouche du vieux domestique. Comme hébété par l’éclair de fureur qu’il venait de surprendre dans les yeux de son jeune maître et par le désordre de sa toilette, il suivit Hubert. Il le vit traverser le vestibule, entrer