Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/102

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dont la plaie dévorante, on le verra, est cette maladie toute contemporaine, le maladif, le passionné souci du luxe des autres, n’est une exception que par les circonstances. Ce désir de briller jusqu’à l’extrémité de ses moyens, ce besoin de quitter sa classe, d’égaler sans cesse et à tout prix dans leurs façons de vivre, dans leurs décors, dans leurs plaisirs, ceux qui nous dépassent immédiatement, qu’est-ce autre chose qu’un cas particulier de la grande dégénérescence démocratique ? On éprouve quelque scrupule à employer de si graves formules, alors qu’il s’agit d’une aventure assez terre à terre, et de gens qui se croient eux-mêmes tout simples, tout naturels. Mais, quand on y réfléchit, les larges mouvements de mœurs que l’histoire enregistre ne sont que cela : une addition indéfiniment multipliée de minuscules habitudes individuelles, comme une immense marée n’est que la poussée en avant de plusieurs milliards de minuscules vagues. Au moment où commence le drame, sans grands événements et pourtant tragique, auquel je viens de faire allusion, c’est-à-dire au mois de janvier 1897, ce ménage Le Prieux avait déjà vingt-trois ans de date : Hector — en ces temps-là Leprieux en un seul mot, c’était l’orthographe d’avant les « Mondanités » — ayant épousé Mlle Mathilde Duret en 1874. Ce mariage s’était célébré dans des conditions très modestes et qui n’annonçaient guère les futures élégances de la « belle Mme Le Prieux, » — en deux mots. — A peine si chacune des deux feuilles auxquelles l’écrivain collaborait alors mentionna